« C’est mon accouchement, mais j’avais l’impression d’être une expérience de laboratoire » : expériences vécues des violences obstétricales au Québec

  • “It’s my delivery, but I felt like a laboratory experiment”: lived experiences of obstetric violence in Quebec

Résumés

Malgré les avancées en matière de droits reproductifs au Québec, les violences obstétricales demeurent présentes et semblent toujours invisibilisées. Cette étude exploratoire vise à documenter les différentes formes de violences obstétricales ainsi que leurs conséquences émotionnelles, selon le point de vue de personnes ayant été enceintes dans les deux dernières années. Deux-cent-soixante-et-onze personnes ont répondu à un questionnaire en ligne entre août et septembre 2022. Trois thèmes ressortent des analyses : les interactions invalidantes avec des professionnel·le·s de la santé, l’absence de consentement à des actes médicaux et le manque d’organisation des services de santé. Les expériences émotionnelles rapportées varient de l’impuissance à la colère, l’incompréhension et l’humiliation. Certaines participantes ont également mentionné se sentir dépossédées de leur expérience d’accouchement. Ces résultats brossent un portrait de l’expérience des violences obstétricales au Québec dans une perspective écosystémique. Afin de favoriser la justice épistémique, il est impératif de promouvoir l’agentivité obstétricale des personnes enceintes.

Despite advances in reproductive rights in Quebec, obstetrical violence remains invisible. This exploratory study aims to explore the different forms of obstetrical violence and their emotional consequences, from the point of view of people who have been pregnant in the last two years. Two hundred and seventy-one participants responded to an online questionnaire between August and September 2022. The analysis revealed three main themes: disabling interactions with health professionals, lack of consent to medical procedures, and poorly organized health services. Emotional experiences ranged from powerlessness to anger, misunderstanding and humiliation. Some participants also mentioned feeling dispossessed of their birthing experience. These results paint a portrait of the experience of obstetrical violence in Quebec from an ecosystemic perspective. To promote epistemic justice, it is imperative to promote obstetrical agentivity held by pregnant people.

Plan

Texte

Introduction

Les violences obstétricales se définissent comme l’ensemble des mauvais traitements, abus, violences physiques et/ou psychologiques ou violation du consentement exercés sur les femmes dans le cadre des services de santé reproductive (Organisation des Nations Unies [ONU], 2019). Les violences obstétricales sont une forme prépondérante de violences auxquelles les femmes1 sont exposées, quel que soit le pays concerné (Bohren et al., 2019 ; Martínez-Galiano et al., 2021). À titre d’exemple, 67 % d’un échantillon de femmes de la population générale espagnole (Martínez-Galiano et al., 2021) ont déclaré avoir subi ce que l’ONU rapporte sous le terme « d’abus » et de « violence à l’égard des femmes » dans un contexte de santé reproductive : agressions physiques, humiliations, agressions verbales, procédures imposées, absence de confidentialité, absence de consentement, etc. (Organisation mondiale de la santé [OMS], 2017 cité dans ONU, 2019).

Les violences obstétricales ont tout d’abord été conceptualisées par des militantes féministes en Amérique latine au milieu du xxe siècle (Diniz et al., 2022). Par la suite, dans plusieurs pays à travers le monde (Brésil, États-Unis, Canada, France, Belgique, etc.), des femmes se sont mobilisées pour dénoncer les actes violents qu’elles ont vécus lors de leur grossesse et de leur accouchement (Diniz et al., 2022 ; Ferron-Parayre, 2024). Les revendications des mouvements féministes et de collectifs pour l’humanisation des naissances ont ensuite été reconnues par des instances internationales, telles que l’ONU et l’OMS, à la fin du xxe siècle. Toutefois, malgré une plus grande reconnaissance de ce que constitue une violence obstétricale, la portée juridique reste mal définie et la responsabilité des institutions reste négligée. Ainsi, la compréhension et l’analyse de ces violences sont souvent renvoyées à des questions interpersonnelles, se produisant dans un contexte relationnel, d’individu·e·s à individu·e·s (Diaz-Tello, 2016 ; Mannava et al., 2015). En effet, dans cette perspective « opposant » les femmes aux équipes soignantes, les professionnel·le·s de la santé semblent mitigé·e·s face au concept de violence obstétricale. Par exemple, en France, plusieurs « médecins réfutent dans des interviews ou des tribunes l’existence des dites “violences obstétricales” » (Blanc, 2024, p. 34). La justification des pratiques — potentiellement perçues comme violentes — s’appuie sur des arguments invoquant les « souffrances de l’accouchement » ou « les intérêts supérieurs de la parturiente ou du bébé ». Ces pratiques seraient intrinsèquement bien intentionnées (et donc non « violentes » ; Chadwick, 2023, p. 5). Certaines sages-femmes se montrent plus enclines à reconnaître un besoin d’humanisation des pratiques obstétricales, restant toutefois dans la retenue face à l’utilisation du terme de « violence » qualifié « d’offensant » pour les professionnel·le·s (Blanc, 2024).

De leur côté, Chadwick (2023) et Lévesque et collègues (2018) réaffirment l’importance d’utiliser le terme de violence obstétricale. En effet, selon ces autrices, ce terme permettrait de centraliser les réalités des femmes dans un concept saisissable, de visibiliser ce type de violence genrée et de reconnaître son historicité (puisqu’il s’agit d’un terme ayant émergé des mouvements de dénonciations des femmes, dans les milieux médicaux). De plus, toujours selon Chadwick (2023) et Lévesque et collègues (2018), la violence obstétricale est avant tout une violence systémique ; il est donc nécessaire de sortir de la dichotomie soignant·e versus soigné·e. À cet effet, à l’instar de ces autrices, les Nations-Unies reconnaissent que la présence de telles pratiques (violentes) dans les établissements de santé reproductive est une « extension des violations commises plus largement en raison des inégalités structurelles, de la discrimination et du patriarcat […] et du manque de respect pour le statut des femmes » (ONU, 2019, p. 6).

Les conséquences des violences obstétricales ont été identifiées à différents niveaux : le bien-être physique et mental de la femme, la dynamique familiale et la relation entre les personnes et les institutions de santé (Bohren et al., 2015, Lévesque et al., 2018 ; Mannava et al., 2015). Les femmes qui subissent des violences obstétricales sont en effet plus susceptibles de vivre de la détresse ou une dépression en post-partum (Johnstone et al., 2001 ; Souza et al., 2017). Par ailleurs, une expérience négative pendant le suivi de la grossesse ou l’accouchement est associée à un moindre recours aux soins de santé (Bohren et al., 2019) ainsi qu’à de moins bons indicateurs de santé ultérieurs chez les femmes concernées.

Afin de garantir une forme de justice reproductive — concept fusionnant les concepts de droits reproductifs et de justice sociale (Ross, 2017) — et la santé des femmes et de leurs familles, il est nécessaire de comprendre comment sortir de l’impasse dans laquelle l’invisibilité des violences obstétricales leur permet de perdurer. Au Québec, quelques études ont mis en lumière les formes que peuvent prendre ces violences dans notre système de santé (pour consulter la littérature existante, voir entre autres le travail de Ferreira, 2023 ; Labrecque, 2018 ; Landry, 2019 ; Lévesque et al., 2018). Dans l’optique de contribuer à décrire davantage ces violences et les injustices basées sur le genre qu’elles représentent, notre équipe a entrepris une programmation de recherche sur les dimensions émotionnelles de ce phénomène. En effet, à notre connaissance, aucune étude empirique auprès d’un large échantillon n’a documenté les formes de violences obstétricales auprès de la population québécoise en prenant en compte le vécu émotionnel des femmes dans leur suivi de grossesse et d’accouchement. Par ailleurs, dans une recension systématique de la littérature sur le soutien reçu pendant l’accouchement (voir Bohren et al., 2017), il a été constaté que seules 11 études sur 27 considéraient le vécu expérientiel des femmes comme une donnée primaire (Bohren et al., 2019). Dans le cadre de cette étude, nous avons donc décidé de considérer l’expérience vécue des femmes comme centrale à la compréhension du phénomène. En effet, à l’instar de Lévesque et Ferron-Parayre (2021), nous sommes d’avis que « lorsqu’il s’agit de définir les violences obstétricales, la perspective des femmes et des personnes victimes devrait être au centre » (p. 1013 ; traduction libre).

L’objectif de cette étude exploratoire est ainsi de : 1) documenter les différentes formes de violences obstétricales rencontrées par les personnes ayant été enceintes au cours des deux dernières années, et 2) décrire les conséquences émotionnelles de ces violences.

Cette recherche est conceptualisée dans une perspective féministe intersectionnelle (Crenshaw, 1989 ; 1991 ; Hill Collins & Bilge, 2020). En effet, comme mentionné précédemment, les violences obstétricales sont définies comme des violences structurelles qui renvoient aux inégalités de genre et à une forme de pouvoir des groupes dominants (ici le monde médical) sur les femmes dans leur rôle de patientes (Ferreira, 2023). La prise en compte de différentes formes d’identités sociales — femmes racisées, autochtones, en situation de handicap, par exemple — semble ainsi fondamentale, car elle peut conduire à des formes d’oppressions entremêlées, notamment dans le contexte de la santé reproductive (El Kotni & Quagliariello, 2021).

Méthode

Recrutement

Les participantes à l’étude ont été recrutées en août 2022, par le biais d’annonces (affiches de recrutement) diffusées sur les réseaux sociaux, par exemple sur les groupes Facebook de nouveaux parents. L’accroche du questionnaire était de solliciter les participantes afin qu’elles nous décrivent les expériences désagréables vécues durant la grossesse ou l’accouchement. Les participantes pouvaient également transmettre le lien de l’enquête à leur entourage (échantillonnage de type « boule de neige » [Goodman, 1961]). Les critères d’inclusion étaient d’avoir été enceinte au cours des deux dernières années, d’être âgée de 18 ans ou plus, et de pouvoir répondre à un questionnaire en français (écrit). Dans le cadre de ce projet, nous avons décidé d’utiliser les mots « expériences désagréables » au lieu de « violences obstétricales » lorsque nous avons contacté les participantes potentielles. Ce choix était motivé par le désir de décrire les différentes formes que peuvent prendre les différentes interactions perçues comme violentes, en donnant l’espace aux personnes de s’exprimer sur un continuum d’expériences obstétricales désagréables, dans un souci de vulgarisation et de ne pas apposer des étiquettes aux participantes qui pourrait ne pas se reconnaître dans le terme « violence ». Ce projet a reçu l’approbation du comité d’éthique de l’Université du Québec à Montréal (CIEREH #2023-4592).

Procédure

Après avoir donné leur accord au formulaire de consentement en ligne, les participantes pouvaient accéder à un questionnaire hébergé sur la plateforme Qualtrics® abordant les sept « domaines de maltraitance » basés sur la typologie de Bohren et collègues (2015) : (1) la violence physique, (2) la violence sexuelle, (3) la violence verbale, (4) la stigmatisation et la discrimination, (5) le manque de respect des normes professionnelles de soins, (6) les mauvaises relations entre les individus et les professionnel·le·s de la santé, et (7) les conditions et les contraintes du système de santé et de services sociaux.

Cette typologie a été choisie en raison du large spectre de maltraitances vécues qu’elle permet d’aborder, de manière à inclure les relations interpersonnelles, mais également les relations entre les femmes et le système de santé (aspect systémique). Les sept types de maltraitances définies par Bohren et collègues (2015) étaient abordés dans deux parties du questionnaire : la première partie concernait les expériences des participantes durant leur suivi de grossesse et la deuxième partie portait sur leurs expériences lors de l’accouchement. Une première section pouvait commencer par la question suivante : « Pendant votre grossesse (avant l’accouchement), avez-vous vécu de la discrimination, de la part d’un·e professionnel·le de la santé ? ». Toutes les sections comprenaient ensuite des questions ouvertes, permettant aux participantes de décrire leur expérience (« Pouvez-vous s’il vous plaît décrire votre expérience ? ») et les émotions ressenties à ce moment (« Comment vous êtes-vous alors senti·e·s ? »). En fin de questionnaire, les participantes avaient également la possibilité de répondre à la question suivante, afin de partager toute autre expérience : « Pendant votre grossesse, avez-vous (ou votre partenaire) vécu une autre situation désagréable qui n’a pas été mentionnée plus haut ? ».

Analyses

En matière d’analyses, des statistiques descriptives ont été réalisées pour les données se rapportant aux caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon. Les données quantitatives (non textuelles) ont été analysées en termes de fréquences (pourcentage de participantes ayant vécu telle ou telle forme de violence). Les données qualitatives (textuelles) ont été analysées en s’inspirant de l’analyse thématique de contenu de Braun & Clarke (2006). Cette méthode permet de regrouper des séquences de textes portant sur les mêmes concepts. Le processus de catégorisation se déroule en six étapes (familiarisation avec le corpus, génération de codes, génération de thèmes, raffinement des thèmes, définition des thèmes et rapport de données). Ce processus a été réalisé par l’une des membres de l’équipe de recherche (ESD), sur NVivo, après une première phase de codage avec une deuxième membre de l’équipe (CM), afin de discuter des désaccords concernant le codage, de finaliser la grille de codage et de s’assurer de sa pertinence. Des exemples de questions à choix fermés (données non textuelles) et des exemples de questions à développement (données textuelles) se trouvent à la fin de cet article, aux annexes I et II.

Résultats

Deux cent soixante et onze personnes (n = 271) ont répondu à la partie de l’enquête relative au suivi de la grossesse, et 244 personnes ont répondu à la partie de l’enquête relative à l’accouchement (n = 244), démontrant une attrition de 27 personnes (10 %). L’échantillon présenté ci-dessous est constitué majoritairement de femmes (98 %), de personnes blanches (92 %), de personnes ne vivant pas en situation de handicap (99 %) ou de personnes à l’aise ou très à l’aise financièrement (77 %). À ce stade, nous pouvons déjà identifier qu’il s’agit d’un échantillon constitué majoritairement de personnes potentiellement privilégiées. Le Tableau 1 présente les caractéristiques des participant·e·s.

Tableau 1. Caractéristiques des participant·e·s

Caractéristiques

N (total = 271)

Genre

Femme

232

Non binaire

2

Souhaite ne pas répondre

1

Vide

36

Âge

20-29 ans

114

30-39 ans

147

40 ans et plus

10

Ethnicité

Blanche

217

Arabe

2

Arabe et Blanche

1

Asiatique (Sud-Est)

3

Autochtones du Canada

1

Berbère Kabyle

1

Chinoise et Blanche

1

Latino-Américaine et Blanche

2

Latino-Américaine

4

Noire

1

Asiatique (Sud)

1

Souhaite ne pas répondre

1

Vide

36

En situation de handicap

Oui

1

Non

234

Vide

36

Situation financière

Très à l’aise

32

À l’aise

149

Ni à l’aise ni en difficulté

45

Difficile

4

Très difficile

1

Souhaite ne pas répondre

4

Vide

36

Dernier diplôme reçu

Diplôme universitaire de cycles supérieurs

65

Baccalauréat

76

Certificat

12

Diplôme collégial

58

Diplôme d’une école de métier

8

Diplôme d’études postsecondaires

2

Diplôme d’études secondaires

9

Aucun diplôme

1

Souhaite ne pas répondre

4

Vide

36

Note. La catégorie « Ethnicité » reprend la catégorisation utilisée par Statistiques Canada. Les participant·es pouvaient cocher plusieurs cases pour s’identifier à ce qui leur correspondait le mieux.

Fréquences

Les fréquences calculées sur les données non textuelles (questions se répondant par oui ou par non) sont présentées dans les tableaux en Annexe III. Ces résultats indiquent que les participantes ont rapporté davantage d’expériences désagréables vécues durant l’accouchement (78 %) que lors de la période de la grossesse (67 %). En ce qui concerne la fréquence des catégories, les expériences désagréables vécues en lien avec les soins médicaux lors de l’accouchement (le soin lui-même, la manière dont il était réalisé, la notion de non-consentement, le contexte de réalisation du soin, etc.) apparaissent en premier (61 %). Toutes périodes confondues, les expériences désagréables en lien avec les soins médicaux (61 % durant l’accouchement, 35 % durant la grossesse), les échanges avec le personnel soignant (40 % durant l’accouchement, 30 % durant la grossesse) et la manière dont les soins de santé étaient organisés (35 % durant l’accouchement, 33 % durant la grossesse) apparaissent davantage que les autres catégories.

Thèmes principaux

À travers les sept types de maltraitance de Bohren et collègues (2015), trois thèmes émergent de nos analyses : 1) les interactions non-soutenantes de la part du personnel soignant ; 2) l’absence de consentement à certains actes médicaux ; 3) les lacunes dans la gestion et l’organisation des services de santé. Les expériences vécues pendant la grossesse et l’accouchement ont été analysées séparément et fusionnées pour la section des résultats, les thèmes étant similaires. Les sous-thèmes sont mentionnés lorsqu’ils se rapportent à une période spécifique. Le vécu émotionnel des participantes se retrouve à la fois directement dans les résultats présentés dans cette partie — à l’intérieur des extraits partagés —, et en résumé dans la deuxième partie de présentation des résultats. Les noms des participantes donnés aux citations sont fictifs de manière à préserver leur anonymat.

Thème 1 : interactions non-soutenantes de la part du personnel soignant

Des participantes ont déclaré s’être senties peu écoutées ou soutenues par le personnel soignant au cours de la période périnatale. Par exemple, elles ont rapporté que certain·e·s professionnel·le·s avaient adopté une attitude distante, brusque ou insensible, rendant l’expérience de la grossesse et de l’accouchement particulièrement « froide », « désagréable », « angoissante », « décevante », « traumatisante », « déshumanisante », tel que l’exemplifie l’extrait ci-après :

Je me suis sentie dépossédée de mes moyens, apeurée. Je sentais qu’elles avaient autant de considération pour moi que pour la chaise dans le coin ou les rideaux de la fenêtre. Je suis un être humain. Pas à leurs yeux, semblait-il. (Véronique)

Des participantes ont également indiqué qu’elles se sentaient souvent jugées par les professionnel·le·s de la santé, comme le souligne l’extrait ci-dessous. Cet extrait souligne également que certaines participantes ressentent une forme de hiérarchie dans leurs interactions avec l’équipe soignante.

Je sentais constamment une dynamique de supériorité médecin (ou infirmière) versus patient. Comme si on me prenait toujours pour quelqu’un de pas informé. Leur façon de me parler me laissait toujours l’impression qu’ils me jugeaient ou qu’ils me trouvaient « niaiseuse » [idiote]. (Sophia)

Quatre sous-thèmes ont été mis en évidence dans ce premier thème : un sous-thème est lié spécifiquement au suivi de la grossesse, et trois se rapportent à la période de l’accouchement. Tout d’abord, les participantes ont rapporté avoir été confrontées au jugement des professionnel·le·s de santé sur leur poids, lors de leur suivi de grossesse. En effet, les participantes ont eu l’impression que le poids était mentionné de manière inappropriée, sans raison médicale et sans lien direct avec la grossesse ou les problèmes de santé : « On me félicitait de ne pas prendre de poids lors de ma grossesse. J’étais en rémission de trouble alimentaire » (Catherine). Ces représentations autour du poids pendant la grossesse peuvent également empêcher la prise en charge appropriée en cas de complications médicales, comme illustré ci-après 

Je suis considérée comme étant obèse et lorsque j’étais enceinte de mon fils, je faisais de la prééclampsie. Mon médecin de famille qui me suit depuis des années ne voulait pas me donner de médicaments contre la prééclampsie parce qu’il ne me croyait pas. Il disait que j’étais simplement grosse. (Emma)

Deuxièmement, lors de l’accouchement, des participantes ont fait état d’un manque de considération pour les demandes qu’elles avaient formulées dans le cadre de leur plan d’accouchement. Elles ont indiqué que les professionnel·le·s portaient un jugement sur les demandes liées à l’accouchement, telles que le peau-à-peau ou le clampage tardif du cordon : « J’avais un plan de naissance, peu de choses ont été respectées… Je ne voulais pas d’ocytocine, on m’en a donné quand même parce que ça ne bougeait pas assez vite à leur goût » (Maya). De plus, selon certaines participantes, les requêtes liées au choix de la position d’accouchement n’ont pas été prises en compte, une demande qui semblait essentielle dans leur expérience : « Le médecin a haussé le ton pour m’ordonner de me mettre sur le dos. Puis il a demandé à ses collègues de me placer alors que je refusais » (Zoé).

Troisièmement, les participantes dont les verbatims sont rassemblés dans cette sous-thématique disent se sentir incomprises lorsqu’il s’agit de la douleur qu’elles ont ressentie, autant lors des suivis de grossesse que durant l’accouchement. Les sentiments de douleur ont souvent été minimisés, voire invalidés, comme le dénote cet extrait :

Quand la médecin m’a recousue, aucune écoute de ma douleur. [Elle] disait que j’étais gelée [anesthésiée] quand définitivement je ne l’étais pas. Quand j’ai exigé qu’elle me pique pour geler, elle a soupiré et a mentionné que ce n’était pas nécessaire. Cependant, je sentais non seulement l’aiguille dans ma peau, mais qu’elle me transperçait également, ce qui faisait extrêmement mal. (Aisha)

Enfin, de manière plus transversale, les participantes ont partagé le sentiment d’être invalidées dans leur connaissance de leur corps et de leur grossesse. Elles ont déclaré ressentir un manque de confiance de la part des professionnel·le·s, une forme de supériorité des médecins et de leur expertise par rapport à leur propre expérience, ou encore un sentiment d’invalidation :

Je me sentais peu écoutée lorsque j’allais à l’urgence obstétricale. Je sentais des malaises et des inconforts. À plusieurs reprises on me disait : «non, mais ce n’est pas ce que vous sentez ». Mais on n’écoutait pas ce que je sentais, je décrivais mes symptômes, mais la personne me disait : « non tu sens ça ». (Charlotte).

Thème 2 : absence de consentement à certains actes médicaux

Les participantes rapportent qu’elles ont subi des procédures médicales — toucher vaginal, stripping [« balayage des membranes », un acte médical effectué en obstétrique qui vise à décoller les membranes amniotiques du col de l’utérus pour déclencher le travail], épisiotomie, perçage des eaux — sans leur consentement. Elles n’étaient pas conscientes de ce qui était fait à leur corps et s’en sont rendu compte après coup, sans en avoir été informées par le personnel soignant au moment de l’intervention. Certaines participantes déclarent avoir été « blessées », « secouées », « choquées ». De plus, certaines d’entre elles partagent ne pas bien comprendre les soins prodigués (manque d’explications et d’informations sur les procédures médicales) et éprouver un sentiment de confusion. L’extrait suivant illustre une interaction où un stripping est pratiqué sans le consentement de la participante et sans aucune information de la part de la professionnelle :

Lors de mon dernier rendez-vous de suivi, la ob-gyn [gynécologue-obstétricienne] qui me suivait était en train de faire mon examen vaginal et m’a demandé si je voulais un stripping. J’ai répondu très clairement : « je ne sais pas, en quoi est-ce que ça consiste ? », et elle a répondu : « est-ce que tu sens une crampe si je fais ça ? » Moi : « oui... ? » Elle : « voilà, ça c’était un très bon stripping ! ». Donc en gros, elle m’a fait l’intervention alors que j’avais clairement indiqué ne pas savoir si je la voulais et exprimé mon besoin d’en savoir plus avant. En réalité, je connaissais le principe du stripping mais j’avais encore des doutes à savoir si j’en voulais un ou non alors j’avais besoin d’en discuter avec elle. Mais ça n’a jamais été possible. (Jennifer)

Certaines participantes soulignent également que des professionnel·le·s semblaient insister sur des choix médicaux spécifiques et leur demandaient de justifier leur décision de refuser ces procédures : « Il a fallu que j’aie une grosse discussion en pleines contractions avec cinq professionnel·le·s de la santé réuni.e.s pour finalement que je puisse décider de ne pas la prendre [l’épidurale] » (Abigail).

Thème 3 : gestion/organisation des services de santé

Le dernier thème fait référence à une dimension plus systémique de l’expérience des participantes : l’organisation des services de santé. En effet, en plus de l’interaction avec les professionnel·le·s, l’organisation des services semble avoir un impact sur leur expérience désagréable — voire « déshumanisante » — de l’accouchement. Entre autres, les participantes mentionnent les temps d’attente, les installations inadéquates, le manque de communication et de coordination entre les différent·e·s professionnel·le·s et l’isolement associé à la COVID-19. Les deux citations suivantes soulignent la manière dont la rotation de l’équipe soignante et le manque de suivi avec un·e professionnel·le peut exercer une influence importante sur le sentiment de confiance de la personne :

J’avais toujours un médecin résident différent à chaque suivi. Je n’avais jamais le.la même, alors aucun sentiment de confiance, je devais toujours répéter l’entièreté des spécificités de mon dossier. Il n’y avait aucune communication entre les médecins. (Lili)

Il y a eu beaucoup de changement de personnel, mais pas dû à l’horaire sinon à des réorganisations. Par exemple, deux infirmières commencent à m’aider et quelqu’un vient leur dire que finalement non, elles seront avec une autre patiente, alors que nous commencions à prendre confiance. (Geneviève).

Conséquences émotionnelles rapportées

L’expérience globale rapportée par les participantes a eu des conséquences émotionnelles que nous leur avons demandé de partager dans le cadre du questionnaire, après chaque section de questions. Elles les ont également partagées directement dans leurs témoignages de vécu, tel que décrit ci-haut. Il n’a toutefois pas été possible de faire un lien direct entre les types de violence vécue et les émotions rapportées, puisque les questions étaient posées de manière non dirigée, sans objectif de réaliser ensuite des liens de causalité.

Les émotions rapportées allaient de l’impuissance à la tristesse, la colère, l’anxiété, l’incompréhension, l’humiliation. Des participantes ont déclaré se sentir comme des « numéros » ou « pas comme un humain ». Certaines ont eu le sentiment d’avoir été « comme un objet » et « dépossédées [de mes moyens, de mon corps] » de leur expérience de l’accouchement. La citation suivante illustre comment l’accouchement peut être vécu comme une expérience déshumanisante : « On m’enlevait un peu de dignité. C’est mon accouchement, mais j’avais l’impression d’être une expérience de laboratoire » (Gabrielle).

Discussion

Les objectifs de cette étude exploratoire étaient de : 1) documenter les différentes formes de violence obstétricale rencontrées par les personnes ayant été enceintes au cours des deux dernières années et 2) décrire les conséquences émotionnelles de ces violences. À travers la typologie de Bohren et collègues (2015), les participantes se sont prononcées sur leurs expériences désagréables vécues à plusieurs niveaux, de l’interpersonnel vers l’organisationnel. Les résultats font ainsi ressortir des formes de violences dans les interactions avec le personnel soignant, dans le manque de consentement face à certains actes médicaux et plus largement dans la gestion et l’organisation des services.

Concernant les interactions non-soutenantes avec les professionnel·le·s, les participantes décrivent avoir été la cible de jugements sur leur poids, un manque de considération pour leurs demandes (notamment en lien avec leur plan d’accouchement), une incompréhension de leur vécu douloureux de la part de l’équipe soignante ainsi qu’un sentiment d’être invalidées dans leur connaissance — et par extension leur expertise — de leur corps et de leur grossesse. Ce dernier point peut se rapporter à une dynamique de pouvoir entre le groupe dominant — le personnel médical évoluant dans leur environnement médical — et les participantes, nourrissant ainsi les injustices épistémiques prenant forme dans cette dynamique. Les injustices épistémiques représentent la manière dont les expériences et connaissances d’une personne ou d’un groupe sont dévalorisées ou remises en question par un groupe dominant ou détenant le pouvoir, en raison de préjugés, notamment : « Les personnes sont victimes d’injustice épistémique lorsqu’elles ne sont pas suffisamment crues ou qu’elles sont mal comprises parce qu’elles appartiennent à un groupe social non dominant ou parce que ce groupe est soumis à certains biais ou préjugés [traduction libre] » (Fricker, 2007, dans Lévesque & Ferron-Parayre, 2021, p. 1014).

À cet égard, Ferreira (2023) mentionne que le contexte obstétrical actuel est propice à produire des injustices épistémiques. Dans ce contexte, les participantes seraient ainsi inadéquatement crues et comprises dans leur expérience d’accouchement et plus spécifiquement dans leurs connaissances sur leur corps et sur leurs besoins. Cela fait référence à une forme de paternalisme médical : principe selon lequel le médecin interfère dans l’autonomie d’une personne, motivé par la croyance de la protéger (Masella & Marceau, 2020). Quéniart (1988) et plusieurs autres sociologues féministes (voir par exemple Koechlin, 2022 ; Oakley, 2016 ; Ruault, 2023 ;) pointent que la médecine gynécologique semble ancrée dans un modèle de contrôle du corps des femmes à des fins de « santé », au détriment des savoirs expérientiels et du vécu des femmes. La menace de la mort infantile et ensuite la montée de la technologie ont mené à une appropriation de l’accouchement par le domaine médical et, ultimement, une objectification du corps des femmes.

Dans un même ordre d’idées, le système patriarcal s’est approprié le savoir des [sages-]femmes face à la gynécologie, les excluant historiquement de pouvoir pratiquer la médecine obstétricale, alors que ces études étaient réservées uniquement aux hommes (Chapuis-Desprès, 2016). Les violences obstétricales seraient donc une conséquence d’un paradigme médical paternaliste et patriarcal qui traite avant tout le corps enceint comme un objet médical séparé de la femme. Ces observations sont en cohérence avec nos résultats, notamment lorsque les participantes rapportent s’être senti « invalidées », « jugées », « comme un objet » et « incomprises ». Ces interactions non-soutenantes sont à comprendre comme n’étant pas nécessairement la conséquence des caractéristiques intrapersonnelles des soignant·e·s, mais plutôt le fruit d’un modèle médical où le·la professionnel·le est en position de pouvoir et pratique une médecine historiquement teintée d’un paradigme paternaliste et patriarcal.

Par ailleurs, les enjeux et les jugements concernant le poids — sans lien direct avec la santé autour de la grossesse — ressortent à plusieurs reprises dans les réponses des participantes. Ces résultats font écho à d’autres études soulignant que le contexte des soins de santé est prompt à la stigmatisation liée au poids et à l’apparence corporelle (Charnley et al., 2024 ; Talumaa et al., 2022). Ainsi, les services obstétricaux semblent reproduire ces discours sur l’apparence du corps de la personne enceinte, discours perçus par les participantes comme particulièrement stigmatisants.

Malgré la prévalence des résultats entourant les liens entre les participantes et le personnel soignant, les résultats de cette étude font ressortir des expériences désagréables à d’autres niveaux (organisation des services), comme mentionné ci-dessus. Les violences obstétricales peuvent ainsi être considérées comme des violences structurelles ou institutionnelles (Freedman & Kruk, 2014 ; Lévesque et al., 2018). En effet, malgré le fait que les discours entourant les violences obstétricales sont souvent réduits à des problèmes entre individu·e·s (par exemple les membres de l’équipe soignante face à la femme ou à la famille), il semble fondamental de concevoir ces violences dans un contexte plus large et systémique. Il semble ainsi pertinent d’adopter une perspective écologique (Bronfenbrenner, 1979) impliquant différents niveaux et environnements lorsque vient le temps d’analyser cette problématique. Lévesque et collègues (2018) ainsi que Bohren et collègues (2015) mentionnent d’ailleurs que la prévalence des violences obstétricales serait plus élevée lorsque le système de santé présente des lacunes (en ressources humaines et financières, par exemple). À ce sujet, il semble pertinent de se pencher, par exemple, sur les conditions de travail des professionnel·le·s et de déterminer les causes structurelles des systèmes de santé qui pourrait contribuer à une déshumanisation des naissances.

Cette recherche va dans le même sens que les principaux résultats d’autres recherches menées au Québec (voir notamment Ferreira, 2023 ; Labrecque, 2018 ; Landry, 2019 ; Lévesque et al., 2018) et au niveau international (Bohren et al., 2015 ; Khalil et al., 2022 ; Martínez-Galiano et al., 2021), en matière de description des formes de violence obstétricale. Les catégories émergeantes sont similaires, évoquant régulièrement la relation avec le personnel, le non-consentement au soin et l’organisation des services. Toutefois, en se concentrant également sur le vécu émotionnel des participantes, cette étude ajoute une dimension affective au phénomène. En effet, les participantes évoquent leur désir d’une plus grande humanisation des soins obstétricaux, relevant le manque de bienveillance et de considérations de leur état émotionnel lors de leur grossesse et de leur accouchement. De plus, nos résultats démontrent que les participantes se sont senties invalidées et incomprises dans leur expérience. Ainsi, la qualité de la relation des participantes avec les professionnel·le·s et le milieu médical semble central à une expérience d’accouchement optimale, ce qui rejoint d’ailleurs les résultats d’autres études qui vont dans ce sens (voir notamment Mannava et al., 2015 ; Van der Pilj et al., 2021).

Limites de l’étude et réflexivité

Malgré les apports de cette étude et la rigueur avec laquelle elle a été menée, trois principales limites — conceptuelles et politiques — sont à relever au niveau des termes employés, de la description des émotions des participantes et de la perspective féministe intersectionnelle. Premièrement, au moment de diffuser le questionnaire, nous avions utilisé le titre de l’étude suivant : « Expériences désagréables vécues avec des professionnel·le·s de santé durant la grossesse et l’accouchement ». Le choix d’utiliser le concept « expérience désagréable » a été fait dans le but que les femmes puissent se retrouver dans la description de la recherche. Par l’utilisation de ces termes, nous ne souhaitions pas apposer une étiquette de violence sur des gestes qu’elles ne percevaient pas de la sorte. Le choix des termes « expériences désagréables » pourrait toutefois avoir comme effet de : 1) minimiser l’impact de ces violences sur les femmes ; 2) perpétrer l’invisibilisation de cette problématique : problématique sexiste et systémique liée à la culture paternaliste et patriarcale dans laquelle les institutions [de santé] sont pensées et organisées (Ferreira, 2023) ; et 3) passer ainsi à côté des dénonciations qui sont notre devoir en tant que psychologues communautaires menant des travaux de recherche dans le domaine périnatal. Dans le cadre de cet article, nous avons choisi de restituer les termes « violences obstétricales », mais les participantes n’ayant pas été approchées avec ces termes, cela constitue une limite de notre étude, dans la portée politique et de changement social visée.

Deuxièmement, alors que le second objectif de notre étude était de décrire les conséquences émotionnelles des violences obstétricales, la façon dont les questions étaient posées dans le questionnaire n’a pas permis de collecter d’informations approfondies sur le vécu émotionnel des participantes. En effet, puisque le format de question était libre et les réponses courtes, nous ne pouvons pas nous prononcer sur la prévalence d’émotions dans l’une ou l’autre des catégories de violences vécues. Nous avons eu accès à des réponses courtes sous forme de mots, nous donnant une bonne idée du vécu émotionnel des participantes, mais sans pouvoir en tirer de conclusions suffisantes. À cet égard, nous prévoyons de poursuivre ce projet en allant interroger des femmes en profondeur sur ces questions, dans le cadre d’entrevues individuelles de recherche.

La troisième et dernière limite se situe au niveau de la conceptualisation théorique de cette étude dans la perspective féministe intersectionnelle. En effet, l’objectif était de décrire certaines procédures médicales potentiellement violentes adressées à des femmes en situation de précarité (migration, handicap, problèmes de santé mentale), à l’intersection de diverses formes d’identités et d’oppressions. L’échantillon recruté peut toutefois être qualifié de « privilégié », seulement seize personnes s’identifiant comme personnes autochtones, noires et/ou de couleur (PANDC), deux personnes non binaires et une personne en situation de handicap ayant participé à l’étude. Compte tenu de ce sous-échantillon restreint et des résultats peu évocateurs obtenus, nous n’avons pas pu faire de comparaison entre ce sous-groupe et le groupe « privilégié » pour en tirer des conclusions solides sur les oppressions croisées et les violences obstétricales.

Orientations futures

Cette étude de nature exploratoire soulève l’importance de la question des violences obstétricales et de ses conséquences émotionnelles. Compte tenu de la nature des violences soulevées par les participantes — issues principalement de groupes privilégiés au sein de leur groupe — nous pensons qu’un effort important doit être réalisé pour donner plus de place à des femmes se situant à l’intersection de diverses oppressions (origine ethnique, immigration, orientation sexuelle, handicap), pour mieux comprendre la manière dont ces violences prennent place, comment elles sont comprises par les personnes concernées ainsi que les impacts exercés sur elles. Dans une perspective féministe intersectionnelle, une étude approfondie du vécu de femmes vivant des oppressions multiples, réalisée en partenariat avec des centres de santé (maternités, hôpitaux), semble ainsi nécessaire. Au niveau pratique, pour la suite de cette étude, nous souhaitons partager un résumé des résultats aux services périnataux qui seraient intéressés.

Conclusion

Les résultats de cette étude exploratoire brossent un portrait de l’expérience des violences obstétricales de personnes ayant accouché dans les deux dernières années, au Québec. Ces violences se situent à différents niveaux, dans une perspective écosystémique, de l’interpersonnel à l’organisationnel. Elle permet également de relever des dynamiques de pouvoir qui se jouent entre le personnel soignant et les femmes. Ainsi, dans une perspective de justice épistémique — équité et justice dans les pratiques liées à la connaissance, à la compréhension et à la communication —, il est impératif de poursuivre les travaux de visibilisation de ces violences et de promouvoir l’agentivité obstétricale des personnes enceintes. Entre autres, cela pourrait se traduire par une meilleure reconnaissance des savoirs des femmes sur leurs corps, leur grossesse et leur accouchement.

Conflits d’intérêts

Aucun conflit d’intérêt déclaré.

Bibliographie

Blanc, C. (2024). Quand les patientes dénoncent, les sages-femmes se positionnent. Enfanter, entre normes médicales et représentations sociales (p. 83‑102). Érès. https://doi.org/10.3917/eres.boule.2024.01.0083

Bohren, M. A., Vogel, J. P., Hunter, E. C., Lutsiv, O., Makh, S. K., Souza, J. P., Aguiar, C., Saraiva Coneglian, F., Diniz, A. L. A., Tunçalp, Ö., Javadi, D., Oladapo, O. T., Khosla, R., Hindin, M. J., & Gülmezoglu, A. M. (2015). The Mistreatment of Women during Childbirth in Health Facilities Globally : A Mixed-Methods Systematic Review. PLOS Medicine, 12(6), e1001847. https://doi.org/10.1371/journal.pmed.1001847

Bohren, M. A., Hofmeyr, G. J., Sakala, C., Fukuzawa, R. K., & Cuthbert, A. (2017). Continuous support for women during childbirth. Cochrane Database of Systematic Reviews, 2017 (8). https://doi.org/10.1002/14651858.CD003766.pub6

Bohren, M. A., Mehrtash, H., Fawole, B., Maung, T. M., Balde, M. D., Maya, E., Thwin, S. S., Aderoba, A. K., Vogel, J. P., Irinyenikan, T. A., Adeyanju, A. O., Mon, N. O., Adu-Bonsaffoh, K., Landoulsi, S., Guure, C., Adanu, R., Diallo, B. A., Gülmezoglu, A. M., Soumah, A.-M., … Tunçalp, Ö. (2019). How women are treated during facility-based childbirth in four countries : A cross-sectional study with labour observations and community-based surveys. The Lancet, 394 (10210), 1750–1763. https://doi.org/10.1016/S0140-6736 (19) 31992-0

Braun, V., & Clarke, V. (2006). Using thematic analysis in psychology. Qualitative Research in Psychology, 3(2), 77–101. https://doi.org/10.1191/1478088706qp063oa

Bronfenbrenner, U. (1979). The Ecology of Human Development. Harvard University Press. https://doi.org/10.2307/j.ctv26071r6

Chadwick, R. (2023). The Dangers of Minimizing Obstetric Violence. Violence Against Women, 29(9), 1899–1908. https://doi.org/10.1177/10778012211037379

Chapuis-Després, S. (2016). Le genre en gynécologie et obstétrique. Médecins et sages-femmes dans le Saint-Empire Romain Germanique. Transtext(e)s Transcultures, 11. https://doi.org/10.4000/transtexts.651

Charnley, M., Newson, L., Weeks, A., & Abayomi, J. (2024). A qualitative exploration of the experiences of pregnant women living with obesity and accessing antenatal care. PLOS ONE, 19(5), e0302599. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0302599

Crenshaw, K. (1989). Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics. University of Chicago Legal Forum, 1989 (Article 8). https://chicagounbound.uchicago.edu/uclf/vol1989/iss1/8/

Crenshaw, K. (1991). Mapping the Margins: Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color. Stanford Law Review, 43(6), 1241. https://doi.org/10.2307/1229039

Diaz-Tello, F. (2016). Invisible wounds: Obstetric violence in the United States. Reproductive Health Matters, 24(47), 56–64. https://doi.org/10.1016/j.rhm.2016.04.004

Diniz, C. S. G., Yoshie Niy, D., Da Silva Cabral, C., & Matoussowsky, C. (2022). Les « violences obstétricales » comme subversion épistémique : Saisir des maltraitances anciennes dans un concept nouveau. Cahiers Du Genre, 71(2), 57–80. https://doi.org/10.3917/cdge.071.0057

El Kotni, M., & Quagliariello, C. (2022). L’injustice obstétricale : Une approche intersectionnelle des violences obstétricales. Cahiers du Genre, 71(2), 107‑128. https://doi.org/10.3917/cdge.071.0107

Ferreira, N. (2023). Expériences d’accouchement en milieu hospitalier au Québec : Asymétrie des rapports de pouvoir, injustice épistémique et violences obstétricales [Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal]. https://archipel.uqam.ca/16359/

Ferron-Parayre, A. (2024). État des lieux et perspectives d’avenir sur les violences obstétricales et gynécologiques au Québec : Journal Du Droit de La Santé et de l’Assurance - Maladie (JDSAM), 37(2), 56–61. https://doi.org/10.3917/jdsam.232.0056

Freedman, L. P., & Kruk, M. E. (2014). Disrespect and abuse of women in childbirth: Challenging the global quality and accountability agendas. The Lancet, 384 (9948), e42e44. https://doi.org/10.1016/S0140-6736 (14) 60859-X

Goodman, L. A. (1961). Snowball Sampling. The Annals of Mathematical Statistics, 32(1), 148–170. https://doi.org/10.1214/aoms/1177705148

Hill Collins, P., & Bilge, S. (2020). Intersectionality (Second edition). Polity Press.

Johnstone, S. J., Boyce, P. M., Hickey, A. R., Morris-Yates, A. D., & Harris, M. G. (2001). Obstetric Risk Factors for Postnatal Depression in Urban and Rural Community Samples. Australian & New Zealand Journal of Psychiatry, 35(1), 69–74. https://doi.org/10.1046/j.1440-1614.2001.00862.x

Khalil, M., Carasso, K. B., & Kabakian-Khasholian, T. (2022). Exposing Obstetric Violence in the Eastern Mediterranean Region: A Review of Women’s Narratives of Disrespect and Abuse in Childbirth. Frontiers in Global Women’s Health, 3, 850796. https://doi.org/10.3389/fgwh.2022.850796

Koechlin, A. (2022). La norme gynécologique : ce que la médecine fait au corps des femmes. Éditions Amsterdam.

Labrecque, M. (2018). Expériences négatives d’accouchements décrites par des femmes ayant accouché en milieux hospitaliers : Les liens avec le concept des violences obstétricales [Mémoire de maîtrise, Université de Montréal]. https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/21340 ?locale-attribute =fr

Landry, M.-P. (2019). Expériences de violence obstétricale en milieu hospitalier québécois : Une analyse féministe intersectionnelle [Mémoire de maîtrise, Université Laval]. https://library-archives.canada.ca/eng/services/services-libraries/theses/Pages/item.aspx ?idNumber =1273433437

Lévesque, S., Bergeron, M., Fontaine, L., & Rousseau, C. (2018). La violence obstétricale dans les soins de santé : Une analyse conceptuelle 1. Recherches féministes, 31(1), 219‑238. https://doi.org/10.7202/1050662ar

Lévesque, S., & Ferron-Parayre, A. (2021). To Use or Not to Use the Term “Obstetric Violence”: Commentary on the Article by Swartz and Lappeman. Violence Against Women, 27(8), 1009–1018. https://doi.org/10.1177/1077801221996456

Mannava, P., Durrant, K., Fisher, J., Chersich, M., & Luchters, S. (2015). Attitudes and behaviours of maternal health care providers in interactions with clients: A systematic review. Globalization and Health, 11(1), 36. https://doi.org/10.1186/s12992-015-0117-9

Martínez-Galiano, J. M., Martinez-Vazquez, S., Rodríguez-Almagro, J., & Hernández-Martinez, A. (2021). The magnitude of the problem of obstetric violence and its associated factors: A cross-sectional study. Women and Birth, 34(5), e526e536. https://doi.org/10.1016/j.wombi.2020.10.002

Masella, M.-A., & Marceau, E. (2020). La stérilisation volontaire chez les femmes sans enfant de moins 30 ans : dilemme éthique et déontologique. Canadian Journal of Bioethics, 3(1), 58–69. https://doi.org/10.7202/1068764ar

Oakley, A. (2016). The sociology of childbirth: an autobiographical journey through four decades of research. Sociology of Health & Illness, 38(5), 689‑705. https://doi.org/10.1111/1467-9566.12400

Organisation générale des Nations Unies (ONU), Adoption d’une démarche fondée sur les droits de la personne dans la lutte contre les mauvais traitements et les violences infligés aux femmes dans les services de santé procréative, en particulier les violences commises pendant l’accouchement et les violences obstétricales : Note du Secrétaire général, A/74/137 (11 juillet 2019), https://digitallibrary.un.org/record/3823698/files/A_74_137-FR.pdf

Quéniart, A. (1988). Le corps paradoxal : regards de femmes sur la maternité. Éditions Saint-Martin.

Ross, L. J. (2017). Reproductive Justice as Intersectional Feminist Activism. Souls, 19(3), 286–314. https://doi.org/10.1080/10999949.2017.1389634

Ruault, L. (2023). Le spéculum, la canule et le miroir : avorter au MLAC, une histoire entre féminisme et médecine. ENS éditions.

Souza, K. J., Rattner, D., & Gubert, M. B. (2017). Institutional violence and quality of service in obstetrics are associated with postpartum depression. Revista de Saude Publica, 51, 69. Scopus. https://doi.org/10.1590/S1518-8787.2017051006549

Talumaa, B., Brown, A., Batterham, R. L., & Kalea, A. Z. (2022). Effective strategies in ending weight stigma in health care. Obesity Reviews, 23(10), e13494. https://doi.org/10.1111/obr.13494

Van Der Pijl, M. S. G., Kasperink, M., Hollander, M. H., Verhoeven, C., Kingma, E., & De Jonge, A. (2021). Client-care provider interaction during labour and birth as experienced by women: Respect, communication, confidentiality and autonomy. PLOS ONE, 16(2), e0246697. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0246697

Notes

1 L’écriture épicène et inclusive sera utilisée en alternance avec le féminin inclusif tout au long de cet article. L’identité « femme » en tant que catégorie socialement construite joue un rôle important dans le sujet à l’étude, la féminisation est donc utilisée à certains moments pour rendre compte de cette réalité et alléger la lecture. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Coralie Mercerat, Éloïse St-Denis, Thomas Delawarde-Saïas, Julie Poissant et Cécile Delawarde-Saïas, « « C’est mon accouchement, mais j’avais l’impression d’être une expérience de laboratoire » : expériences vécues des violences obstétricales au Québec », Psychologies, Genre et Société [En ligne], 3 | 2024, mis en ligne le 14 décembre 2024, consulté le 22 décembre 2024. URL : https://www.psygenresociete.org/361

Auteur·ices

Coralie Mercerat

Coralie Mercerat est professeure en psychologie et santé mentale à l’Université TELUQ (Montréal, Québec). Ses travaux portent principalement sur les questions entourant les injustices reproductives vécues par les femmes en situation de handicap et la parentalité dans un contexte de handicap. Elle a aussi une pratique clinique en tant que psychologue auprès d’individus et de couples.

Éloïse St-Denis

Éloïse St-Denis est étudiante au doctorat en psychologie communautaire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), et membre étudiante de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) de l’UQAM. Sa thèse porte sur les dynamiques d’inclusion et d’exclusion et sur la répartition du pouvoir au sein de groupes militants féministes au Québec.

Articles du même auteur

Thomas Delawarde-Saïas

Thomas Delawarde-Saïas est professeur agrégé de psychologie communautaire à l’Université du Québec à Montréal (Canada). Il co-dirige l’Agence Kalía (France). Ses travaux portent sur les déterminants structurels des inégalités sociales en périnatalité et dans les services de protection de l’enfance

Julie Poissant

Julie Poissant est professeure au département d’éducation et formation spécialisées de l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux de recherche s’inscrivent dans la perspective du parcours de vie et de la santé développementale entre la conception et 8 ans et visent la réduction des inégalités sociales dès le plus jeune âge.

Cécile Delawarde-Saïas

Cécile Delawarde-Saïas est psychologue au Centre des naissances du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Elle est également chercheure professionnelle de la santé au Centre de recherche du CHUM et professeure associée au département de psychologie de l’UQAM. Ses intérêts de recherche portent sur les déterminants des expériences obstétricales et leur impact sur la santé mentale périnatale, selon une perspective sociologique.

Droits d’auteur·ices

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.